Bitcoin : Le Salvador accusé de contourner les règles du FMI

Dans un contexte économique tendu, le Fonds Monétaire International (FMI) a récemment épinglé le Salvador pour non-respect de certains engagements liés à son programme d’aide financière de 1,4 milliard de dollars. Au cœur de cette controverse : le Chivo Wallet, un portefeuille numérique soutenu par l’État, et une gestion jugée opaque des réserves en bitcoin. Alors que le président Nayib Bukele défend une stratégie crypto ambitieuse, le FMI appelle à une désescalade.

Le Salvador viole ses engagements bitcoin : ce que révèle le dernier rapport du FMI

Le dernier rapport publié dans le cadre du programme EFF (Extended Fund Facility) met en lumière des écarts préoccupants. Selon le FMI, le Salvador n’a pas respecté l’objectif de non-accumulation du bitcoin : bien que le gouvernement n’ait pas acheté de nouveaux jetons depuis 2022, il aurait consolidé des avoirs existants en les transférant dans un nouveau cold wallet , hors ligne.

Le FMI note également que des violations mineures de la conditionnalité sont survenues en raison des fluctuations des dépôts en BTC dans Chivo Wallet, et de l’absence d’une politique de gestion des liquidités adaptée. Lorsque les utilisateurs vendent leurs bitcoins, Chivo ne liquide pas la cryptomonnaie sous-jacente, ce qui augmente mécaniquement les avoirs publics en bitcoin.

Ces écarts sont surveillés à l’aide d’outils de contrôle de portefeuille, incluant des relevés signés des adresses « chaudes » et « froides » de Chivo, ainsi qu’un système de détection journalière des mouvements. Le FMI indique toutefois que des mesures correctives ont été prises afin d’établir un tampon de sécurité et éviter de nouvelles violations, notamment avant la vente programmée de Chivo.

Chivo Wallet dans la tourmente : risques techniques et liquidation en vue

Lancé en 2021 pour faciliter l’usage du bitcoin comme monnaie légale, le Chivo Wallet est rapidement devenu l’un des symboles de la stratégie crypto du pays. Cependant, il est aussi l’objet de vives critiques :

• Défaillances techniques récurrentes ;
• Vulnérabilités en matière de cybersécurité ;
• Manque de transparence sur les transactions et les fonds publics.

Ces défaillances du Chivo Wallet ont donc joué un rôle direct dans le non-respect des engagements pris par le Salvador dans le cadre de son accord avec le FMI. En réponse aux critiques, les autorités ont annoncé la vente ou le désengagement de Chivo Wallet, ainsi que la liquidation de Fidebitcoin, un fonds public créé pour faciliter les échanges BTC-USD. Ces mesures visent à atténuer les risques futurs et à sortir les finances publiques des opérations quotidiennes en crypto.

Bitcoin, souveraineté et silence stratégique : l’ombre du plan Bukele

Depuis l’adoption du Bitcoin comme monnaie légale en septembre 2021, le Salvador a investi dans la cryptomonnaie dans une logique d’innovation financière. Nayib Bukele, fervent défenseur de cette orientation, y voit un levier d’indépendance économique.

Cependant, les rendements n’ont pas été à la hauteur des attentes. Les investissements réalisés lorsque le BTC dépassait les 40 000 dollars sont aujourd’hui très discutés. Le pays a annoncé avoir réalisé des profits, mais sans données vérifiables ni audit indépendant, l’affirmation reste contestée.

Fait notable : le rapport du FMI ne fait aucune mention explicite du programme d’accumulation de bitcoins conduit par le président Bukele. Cela permet à son administration de continuer à acquérir des jetons sans déclencher officiellement de non-conformité dans le cadre de l’accord. Une omission stratégique qui interroge.

Ce bras de fer confronte le FMI à une nouvelle équation : comment encadrer l’utilisation des cryptomonnaies tout en garantissant l’accès aux financements ? Le dossier salvadorien pourrait faire figure de précédent pour d’autres nations envisageant une adoption similaire, notamment l’Argentine, qui oscille entre bitcoin et dédollarisation . La crédibilité du FMI est également en jeu. En ciblant le Chivo Wallet et en exigeant davantage de transparence, l’institution tente de préserver son autorité et de faire respecter ses règles budgétaires.